12.1.05

CÉSAR BORGIA

Portrait en pied



Sur fond d´ombre noyant un riche vestibule

Où le buste d´Horace et celui de Tibulle

Lointains et de profil rêvent en marbre blanc,

La main gauche au poignard et la main droite au flanc

Tandis qu´un rire doux redresse la moustache,

Le duc César en grand costume se détache.

Les yeux noirs, les cheveux noirs et le velours noir

Vont contrastant, parmi l´or somptueux d´un soir,

Avec la pâleur mate et belle du visage

Vu de trois quarts et très ombré , suivant l´usage

Des Espagnols ainsi que des Venetiens

Dans les portraits de rois et de patriciens.

Le nez palpite, fin et droit. La bouche, rouge,

Est mince, et l´on dirait que la tenture bouge

Au souffle véhément qui doit s´en exaler.

Et le regard errant avec laisser-aller

Devant lui, comme il sied aux anciennes peintures,

Fourmille de pensers énormes d´aventures.

Et le front, large et pur, silloné d´un grand pli,

Sans doute de projects formidables rempli,

Médite sous la toque où frissone une plume

S´élançant hors d´un noeud de rubis qui s´allume.



Paul Verlaine





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